Rokia, Syonou, Carole ont lancé en 2016 BY US MEDIA, un média d’information et d’échanges dédié à l’actualité des diasporas afro-descendantes.
Aurore et Sophie sont, elles, co-fondatrices de Chut!, le magazine à l’écoute du numérique et elles ont remporté le Prix Startup Médias en Seine 2019.
Toutes les 5 viennent de rejoindre notre programme d’accompagnement dédié aux médias émergents. On vous propose d’en savoir un peu plus sur leurs projets…
Rencontre avec Rokia Dosso, Syonou Mowane et Lina Mangala, co-fondatrices de BY US MEDIA
Présentez-nous BY US MEDIA en quelques mots.
BY US MEDIA c’est notre bébé ! On aime le décrire comme un enfant qu’on regarde grandir.
C’est un site d’information axé sur la communauté africaine et sa diaspora. C’est aussi le projet d’une vie et le média que l’on aurait aimé avoir à découvrir plus jeunes.
Pourquoi avoir lancé un média dédié à l’actualité de la communauté noire et afro-descendante ?
Il devenait insupportable de regarder les autres raconter notre histoire à leur façon, en déformant les choses ou en oubliant l’essentiel. Du coup, on se retrouvait à lire ou regarder des infos vides d’authenticité, biaisées ou tout simplement fausses. On a eu envie de montrer ce que sont les communautés noires dans toutes leurs diversités et leur complexités. Mais aussi de montrer qui nous sommes, le pourquoi du comment de nos actions, coup de gueule ou coup de cœur… Bref, nous quoi.
Vous œuvrez à la visibilité des femmes noires, qu’elles soient artistes, écrivaines, étudiantes etc. Une artiste ou écrivaine noire est-elle de facto moins mise en avant ou plus difficilement reconnue ?
Il est clair que même en 2019 (bientôt en 2020), il est toujours aussi difficile pour une femme noire de sortir de l’ombre. On parle d’égalité homme-femme, mais l’égalité entre femmes est-elle d’actualité ? Que ce soit dans le cinéma, l’art, les médias ou l’entrepreneuriat, il faut être irréprochable, être une “icône noire” par excellence pour être reconnue à sa juste valeur. Dans nos communautés, il y a des talents divers et variés qui ne sont toujours pas mis en valeur, car ceux-ci sont considérés comme « communautaires » ou pas assez « universaliste ». On se rend compte, pourtant, que beaucoup d’entre eux ont influencés (voir été pillés par) ceux qui sont mis en avant. Saviez-vous par exemple que l’oeuvre Matrix était originellement écrite par une femme noire ? Non ? Et bien nous non plus il y a quelques temps. Il y a une forme d’invisibilisation depuis tant années, c’est aussi pourquoi des médias comme le nôtre à travers le monde, œuvrent pour une reconnaissance de nos talents et nos initiatives.
Quelles artistes, autrices ou entrepreneuses vous ont particulièrement inspiré ces derniers temps ?
En ce moment nous suivons de près, le parcours de Juliana Rotich une kényane de 37 ans. Pionnière de la révolution digitale en Afrique, une « geek » comme on aime qui travaille pour démocratiser internet en Afrique. Elle a mis en place les premiers incubateurs tech du continent. Non seulement c’est une femme noire mais elle évolue dans l’un des milieux professionnels les plus masculin et blanc ! Il y a aussi Ava DuVernay, réalisatrice des films « Selma » et de la mini-série qui a cartonné sur Netflix « When they see us ». Cette réalisatrice n’a touché sa première caméra qu’à l’âge de 35 ans et a depuis réalisé des œuvres aussi nécessaires que touchantes. Et côté français, on peut citer entre autres la battante Assa Traore, la conteuse Madina Guissé, ou encore la journaliste Lauren Bastide avec son podcast incontournable « La Poudre ».
Qu’attendez-vous de l’accompagnement Creatis ?
BY US MEDIA entre dans une phase cruciale de son développement. Nous sommes face à un challenge : devenir une plateforme incontournable et s’imposer aux côté des médias mainstream ou rester dans notre zone de confort sans faire de bruit. Notre communauté est solide (158 000 abonnés sur facebook et presque 4000 sur Instagram), nous devons faire en sorte qu’elle continue de découvrir des contenus intéressants et dans l’air du temps. Creatis nous permettra de nous positionner véritablement au sein du paysage médiatique actuel et renforcera nos compétences en tant qu’entrepreneuses. Nous sommes très fières d’intégrer le programme. C’est le début d’une belle aventure !
Rencontre avec Aurore Bisicchia et Sophie Comte, co-fondatrices de Chut!, le magazine à l’écoute du numérique.
Présentez-nous Chut ! en quelques mots ?
Chut ! est un magazine de société qui interroge l’impact du numérique sur notre vie. Cela passe par la puissance des réseaux sociaux avec un hashtag comme #MeToo, La Marche pour le Climat ou une application comme Yuka, qui transforme notre façon de consommer. Il s’interroge également sur l’impact écologique du numérique, ou sur nos rapports aux écrans, et fait l’éloge de la lenteur et du silence, pour mieux comprendre cet univers en constante agitation.
Pourquoi avoir lancé un média consacré aux nouveaux usages du numérique ?
Notre métier de communicantes nous a amenées à travailler avec quelques start-up et grands groupes en pleine transformation digitale. Nous avons eu le sentiment que le numérique se développait en laissant de côté une grande partie de la société. Une sorte d’entre-soi, où il manquait des voix plurielles pour le remettre en question, et notamment des voix de femmes.
Justement, vous venez de lancer votre magazine papier et votre 1er numéro s’intéresse à la place des femmes dans l’univers de la tech. Pourquoi ce choix ?
On a effectivement choisi une Une engagée et militante : « La femme est l’avenir de la tech » ! Les technologies sont encore malheureusement un secteur largement dominé par les hommes. En cause, entre autres, la figure du geek qui véhicule l’idée que le numérique est l’apanage d’un jeune homme blanc, startuppeur. Aujourd’hui, les femmes ne sont que 10% à exercer un métier dans les technologies, alors qu’elles étaient plus nombreuses dans les années 70. Il se trouve que dans les années 80, avec le développement de l’ordinateur personnel, le numérique est devenu progressivement un enjeu de pouvoir. C’est à ce moment que les femmes ont été écartées de ce domaine. Or les technologies portent des enjeux majeurs de société qui nous concernent toutes et tous. Et étant deux femmes à la tête d’un média, il nous a semblé évident de lancer ce magazine papier sur cette thématique.
Le numérique et les nouvelles technologies ont-ils un rôle à jouer dans l’émergence d’une société plus égalitaire ?
Les métiers des technologies sont devenus essentiels dans le développement de notre société. Nous utilisons toutes et tous des applications, nous achetons des appareils connectés, nos données circulent, l’intelligence artificielle est de plus en plus présente… Bref, on passe une grande partie de notre vie en ligne. Mais si tous ces outils technologiques sont créés par des hommes qui ont une vision d’hommes, quelle société sommes-nous en train de construire ? On risque tout bonnement un retour sociétal en arrière. Il faut que les femmes s’emparent de ces métiers, pour que les produits et services de notre société soient conçues par des équipes mixtes.
Vous venez de rejoindre la résidence Creatis. Quelles sont vos 1ères impressions ?
Nous venons tout juste d’arriver, mais nous sommes déjà très enthousiastes. Les porteurs de projet présents chez Creatis sont ouverts et passionnants, l’échange se fait naturellement. Il y a une vraie dimension communautaire, c’est inspirant ! Maintenant, on a hâte de débuter l’accompagnement et de participer à la vie du lieu.