Après 3 ans de conseil en open innovation, Yann Garreau & Charlotte-Amélie Veaux ont fondé UXmmersive, studio de création et de conseil spécialisé dans les expériences immersives. Et pour parfaire leur connaissance du sujet, ils se sont envolés pour un tour du monde des expériences immersives. Un an et 4 continents explorés plus tard, ils ont publié un livre blanc référençant ce qui se fait de mieux en la matière, dans le tourisme et la création culturelle notamment. Rencontre.
Quel est le coeur d’activité d’UXmmersive ?
Yann Garreau : UXmmersive est à la fois un cabinet de conseil, un studio de création et un média. Le projet se décompose en trois branches principales :
- Une activité de veille et d’analyse sur l’actualité des expériences immersives, les nouvelles créations ou les concept-stores.
- Un studio qui propose ses propres créations : espace physique et interactif, jeux en ligne ou en réalité alternative. Avec un processus de développement, de création et de recherche de financement proche de la création classique.
- Une activité de conseil pour les organisations qui souhaitent se lancer dans l’aventure.
Comment définiriez-vous une expérience immersive ?
Charlotte-Amélie Veaux : C’est une invitation à entrer dans une création dans laquelle les frontières entre le réel et l’imaginaire sont floues. Et cela, dans le but d’impacter leurs ressentis et / ou de modifier les comportements des participants, avec une puissance émotionnelle et cognitive spécifique au format.
On passe d’une logique de spectateur à celui de participant. Non seulement nous entrons dans un nouvel univers mais on va pouvoir l’impacter : de la simple déambulation, à l’impact sur la fin de l’histoire, voire la co-écriture de la scène.
Quel impact sur le renouvellement de son audience ?
Charlotte-Amélie : Précisément parce qu’elles nous transportent dans de nouvelles réalités, les expériences immersives sont d’excellents vecteurs d’engagement pour enrichir vos parcours existants et toucher de nouveaux publics !
Les expériences immersives inventent leurs nouveaux codes, souvent fortement inspirés des jeux… donc moins guindé que les expériences culturelles “classiques” ! Avec ces nouveaux codes, elles rendent la culture plus accessible. Un public qui n’a pas pour habitude d’aller au musée, ira quand même à l’Atelier des Lumières par exemple. On voit bien par ailleurs que le terme immersif devient un argument marketing pour toucher un public jeune, car cela devient à la mode !
Le théâtre immersif attire un public de 20-35 ans, beaucoup plus jeune que le théâtre classique. La forme attire un nouveau public.
Les expériences immersives sont des leviers d’accessibilité, de visibilité et d’attractivité pour la culture. Seul frein,– et pas des moindres !- l’accessibilité en termes de médiation peut être contrebalancé par un tarif souvent moins abordable.
Parlez-nous de votre tour du monde…
Yann : Après avoir travaillé 3 ans en tant que consultants en open innovation, nous sommes partis explorer les expériences immersives aux 4 coins du monde, avec une approche plutôt design utilisateur, un regard transversal et multi secteur : retail, divertissement, formation, tourisme et culture.…
Notre volonté était de faire des ponts entre ces secteurs. Le voyage a duré un an, nous avons visité 15 pays (Amérique latine / Amérique du nord / Asie du sud est / Afrique de l’est et un peu en Europe), rencontré une soixantaine de personnes, pour autant d’expériences testées. Et nous les avons toutes recensées au sein de notre blog !
Notre objectif en partant était de partager notre connaissance accumulée auprès de l’écosystème francophone, qui est en train de se construire. Et nous continuons cet exercice ! Dernièrement, nous avons surtout testé beaucoup d’expériences immersives à distance… Il y a eu beaucoup de créations, on regarde ce qui marche
Les expériences immersives appliquées à la culture, c’est quoi ?
Charlotte-Amélie Veaux : C’est d’abord une invitation à entrer dans une réalité alternative. Quand on lit un livre et qu’on pleure, ou qu’on rit, on est en immersion. L’expérience immersive consiste à créer et accentuer ce sentiment d’immersion, en donnant une place au spectateur dans cet univers créé. Cela peut se faire grâce à 5 leviers que nous avons identifiés via nos lectures et nos tests : la narration, l’interaction, la spatialisation, la mobilisation des sens, et le collectif. L’objectif n’est bien sûr pas d’activer tous ces leviers ! Il y a plutôt une dominante pour chaque création.
Elle s’applique par exemple aux arts du théâtre et du spectacle vivant. L’exemple le plus connu demeure Sleep No More à Londres, New-York et Shanghai, adaptation immersive de MacBeth, dans lequel le participant va déambuler dans un hôtel immense de 5 étages. Mais aussi à l’univers des arts plastiques, comme avec les dispositifs du collectif d’artistes numériques TeamLAB. Le principe : proposer un art plus sensoriel et participatif, faire corps avec une oeuvre en mobilisant les sens. Ce collectif de designer ne sont pas du tout des muséographes ou des conservateurs, pourtant ils font directement concurrence aux musées !
Enfin, le Forum des Images aux Halles est également un bon exemple en termes d’accès plus sensoriel à la cinématographie.
Et concernant le tourisme culturel ?
Yann Garreau : Les expériences immersives sont d’excellents outils pour valoriser et revitaliser des lieux et du patrimoine. Spécialisés dans le vidéo mapping et la scénographie, les canadiens de Moment Factory l’illustrent parfaitement avec leurs parcours Lumina. Au japon, nous avons pu découvrir différemment le château d’Osaka, avec un parcours sensoriel très fort et ancré dans la culture local.
Qu’en est-il des expériences immersives appliquées aux médias ?
Charlotte-Amélie Veaux : Ce sont des modèles plus difficiles à trouver. Il y a des podcasts immersifs avec un son binaural comme Transfert, qui explorent davantage la notion d’intimité avec l’auditeur. Également, des podcasts interactifs comme Spoken Adventures, qui, via des choix multiples, offrent un impact sur la narration à l’aide d’un assistant vocal.
Yann : L’immersion audio et vidéo à 360° permet de sensibiliser plus facilement, comme par exemple sur la question des océans avec l’exemple new-yorkais du National Geographic Encounter: Ocean Odyssey à New-York.
Le parcours sollicite nos sens (chants des baleines dans le noir, raie manta qui nage sous nos pieds) et fait d’abord appel à nos émotions, avant une approche plus pédagogique pour sensibiliser aux enjeux plastiques, à la montées des hauts etc.
La VR peut évidemment être une solution intéressante à explorer, pour du documentaire ou du storytelling journalistique. Son problème réside plus dans le mode de rencontre avec le public : tout le monde n’est pas équipé et l’expérience est – pour le moment – solitaire.
Le contexte actuel & la distanciation physique, appelle à plus d’expérience à distance (médiation culturel, VR etc.) – Quels sont les axes de développement ?
Yann : Différentes formes de médias vont continuer d’émerger car les artistes partent des outils dont disposent les publics : expérience narrative sur smartphone, jeux sur Facebook avec enquête en temps réel etc..
Nous l’avons vu pendant le confinement, des secteurs culturels qui traditionnellement comptait beaucoup sur le présentiel, vont de plus en plus se reposer sur le digital pour créer de nouvelles formes de médiations. On a vu des musées qui ont fait des animations sur Animal Crossing, imaginé des challenges photos… et ça a marché ! Des musées virtuels commencent à émerger par exemple, avec des installations en VR.
Charlotte-Amélie : Nous avons aussi vu pas mal de créateurs de théâtre immersif se lancer dans des versions à distance ! En France il y a eu par exemple Mondes Sauvages, la compagnie de Dot Pierson, qui a créé Home ou adapté la pièce L’ours de Tchekhov sur zoom. Ca parait bizarre, pourtant c’était très réussi, et on voit que ce sont des nouveaux codes à la croisée entre le théâtre vivant et la télé !
On pense qu’un nouveau genre d’expériences culturelles immersives, construit pour la distance sont possibles. Quand on voit que des créations de qualité comme Jury Duty, à la croisée entre le théâtre et l’escape game, sont sold-out des semaines à l’avance et parviennent à être à l’équilibre, on sent que quelque chose se passe !
Des recommandations d’expériences à distance à tester ?
Nous avons adoré Telelibrary, une expérience par téléphone, à vivre seul ou à deux très drôle et totalement absurde.
Dans Jury Duty, nous incarnons un juré tiré au sort parmi 12 personnes pour décider de la culpabilité ou non d’un accusé… Et le jury a 1h30 sur zoom pour prendre connaissance du cas et de se construire une opinion ! C’est très prenant et très bien rythmé.
Une expérience très particulière à vivre à deux : Double de Darkfield, une expérience uniquement sonore, assis face à face dans sa cuisine. Pour les amateurs de paranormal !
Enfin, Like Real People do 2020 est une très belle expérience pour une personne sur les souvenirs, l’amour, l’amitié et la distance. Elle se déroule sur toute une semaine, avec des rencontres sur zoom et des mails.
Un dernier mot ?
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